Le nom nous est familier. Une Coppola qui met en scène le malaise adolescent dans son paroxysme… Il doit y avoir une erreur. C’est certainement à la réalisatrice de Virgin Suicide que cet article fait allusion. Et pourtant, Gia est bien une tierce personne, une nouvelle cinéaste voit le jour dans la prestigieuse famille Coppola. On ne peut évidemment pas nier les influences de sa tante, ou le soutien artistique de son grand-père. Mais il n’empêche que la jeune réalisatrice soigne particulièrement son acte de naissance en signant ainsi son premier film.
La caméra de Gia sublime tout sur son passage tout en conservant la dose nécessaire de réalisme. Elle nous dévoile des objets du quotidien sous un angle nouveau. Sa lumière et son cadrage embellissent ainsi les craquelures confortables d’un vieux divan en cuir, la candeur d’une petite culotte en coton, ou la chaleur accueillante d’un abat-jour. Gia Coppola réussit, là ou d’autre ont « échoué ». Elle parvient à mettre en scène l’ennui sans pour autant fatiguer le spectateur. Elle capture les atmosphères et les états d’âmes au rythme de clips musicaux.
Une esthétique « Pop-soft »
Comme dans une version acidulée d’un Gus Van Sant ou une version plus terne d’un Wes Anderson, Palo Alto a l’esthétique visuelle d’une bande dessinée. Des nuances tristes et pâles contrastent continuellement avec le flashy d’éléments dispersés intelligemment au fil des scènes. Les plans se succèdent ainsi, dans une sorte de camaïeu bipolaire, où une couleur vive surgit toujours de nulle part pour faire la guerre à la monotonie des tons ternes et tristes.
La métaphore est ainsi inversée ; les couleurs mettent en scène un élément vif et joyeux au centre d’un contexte sinistre, là où la banlieue chic met en scène des personnages fantomatiques. Les plans se succèdent ainsi, comme on tourne les pages d’un livre abondamment illustré de très belles images.
La vie est ailleurs
April, Teddy, Fred et Emily sont jeunes, riches et las. Ils sont juste assez beaux pour paraître réalistes et peut-être beaucoup trop pour pouvoir s’y identifier. Nous suivons nos quatre adolescents désabusés ; en soirée, au lycée, et bien évidemment dans leurs déboires sentimentaux. C’est avec beaucoup de pudeur et de respect que Gia nous présente ces vies. De l’éclosion des sentiments, au premier orgasme en passant par la narration d’une horrible anecdote… La jeune réalisatrice nous conte ce récit avec subtilité et beaucoup d’intelligence. Et c’est tout en nuance qu’elle nous dévoile la personnalité et la psychologie de chaque personnage… Avant de nous entraîner dans les abysses du mal être enfoui.
Les filles cherchent un remède à leur souffrance dans du sexe vide. Et les garçons défoulent leurs émotions floues et entremêlées en faisant les 400 coups. Ils enchaînent ainsi les infantilités et les mauvais choix. Non pas pour attirer l’attention, mais plutôt pour tirer leur propre signal d’alarme.
Ressentir enfin les émotions qui les mettront dans la bonne direction. Nous comprenons ce malaise, sans pour autant pouvoir le définir avec les mots justes. Nous ne pouvons l’expliquer autant que nous ne parvenons à les plaindre. Notre être tout entier pourrait refuser de s’attendrir sur ces pauvres enfants riches qui semblent s’inventer les problèmes et les malheurs qu’ils n’ont pas. Mais il serait ingrat de porter un tel jugement face à cet indéfinissable spleen, parce qu’il est tellement universel et connu de tous.
La métaphore du questionnement
Une métaphore est véhiculée à travers le film par un des personnages. Ce dernier, envieux des roi et les pharaons des temps reculés, s’obstine à constamment interroger son ami ; « si tu vivais à l’époque de l’Egypte ancienne qui serais-tu ? », « et à l’époque des chevaliers ? ».
Peut-être que la réponse à ces questions est qu’aucune existence n’est préférable à celle que chacun mène, tant que l’on n’a pas combattu tous ses démons intérieurs. La vie d’aucune personne ne devrait avoir le luxe d’être enviée, parce que qui sait ce qui se cache derrière les beaux sourires et les belles façades ?